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Petites Histoires du Barreau

Draguignan, HUIT SIECLES DE JUSTICE 

Par Monsieur le Bâtonnier Claude GIANNESINI 

La fonction juridictionnelle et administrative est a l'origine du développement de la ville de Draguignan qui peut légitimement s'enorgueillir de posséder l'une des plus anciennes juridictions de France.

LA JUSTICE COMTALE

En transférant le siége de ses juridictions de Fréjus à Draguignan, le 20 novembre 1203, pour les soustraire , dit-on, à la proximité des juridictions ecclésiastiques de l' Evêque de Fréjus , et éviter ainsi à ses Juges et fonctionnaires des avanies et des querelles de préséance, le Comte de Provence fonda la prospérité de Draguignan pour plusieurs siècles.

Le ressort de la juridiction est immense et sa compétence très large (première instance au civil et au criminel et juridiction d'appel des juridictions féodales), les affaires nombreuses et les plaideurs venant à Draguignan pour les besoins de la procédure favorisent l'essor commercial d'une ville qui, blottie autour de la Butte de l 'Horloge, ne compte alors que quelques milliers d'habitants .

LA JUSTICE ROYALE

Après la réunion de la Provence à la France (1481) le rôle administratif et judiciaire de Draguignan va se développer et, si à certaines périodes son ressort est amputé par la création d'autres juridictions ou transféré pour sanctionner, notamment, les troubles liées aux guerres de religion ou à ceux plus « corporatiste » de la querelle du Semestre qui opposait « razats » et « canivets », notamment au profit de Lorgues, ce ne fut jamais pour bien longtemps.

Le vieux donjon, construit par le Comte de Provence, où était logés les prisonniers, rasé a titre de sanction et bientôt reconstruit avec la permission de Louis XIV, est devenu « Tour de l'Horloge » surmonté d'un campanile dont les cloches ont marqué pendant des siècles la vie quotidienne des dracénois et notamment celle des juridictions qui n'ayant a l'origine aucun prétoire, siégeaient en plein air sur la partie supérieure de la place du marché (vers le café des Négociants) avant de se loger dans un immeuble démoli au début du XIXème siècle de l'autre coté de la place du Marché approximativement là où se situe de nos jours la fontaine.

Les chroniques rapportent les exécutions de certains hérétiques sur le bûcher dressé sur la place du marché. L' exécution publique avait, aux yeux du temps, une vertu pédagogique et le spectacle de l'exécution une vertu dissuasive. Les fourches patibulaires étaient, quant à elles, dressées au quartier des « Fourches », c'est dire dans les environs immédiats du Col de L'ange, et le spectacle de corps laissés en décomposition revêtait aussi une valeur d'avertissement.

Ensuite les Juridictions siégèrent longtemps dans un immeuble, qui existe toujours, situé place du Fabriguier, également longtemps appelée Place de la Cour avant de rejoindre un immeuble dit « Maison du Roi » situé en haut de la rue de l'Observance, qui regroupait en un même lieu le Palais de Justice et une prison célèbre par son insalubrité et ses évasions, dont celle de Gaspard de Besse qui y séjourna quelques temps aux frais du Roi.

L'on rapporte aussi que l'immeuble était tellement mal entretenu qu'une partie de la salle d'audience s'écroula, obligeant le tribunal à trouver refuge dans un couvent pendant une vingtaine d'années. Les avocats, les magistrats, les personnels de justice constituent une part non négligeable de la population locale (27 avocats au recensement de 1791).

Nombreux, intellectuellement active, souvent aisée, la « basoche » Dracénoise est a l'origine de la construction des plus beaux immeubles de la vieille ville, souvent ignorés de nos jours, dans lesquels de véritables dynasties d'avocats ou de magistrats vécurent, se partageant entre activités professionnelles, activités sociales et de bienfaisance comme les portraits des généreux donats de l'hôpital le rappellent, mais aussi économique, car souvent ils étaient aussi propriétaires de domaines cultivés et , naturellement, intellectuelles comme leurs pairs de l'époque partout ailleurs.

Le célèbre RAYNOUARD, avocat de notre Barreau, connu pour ses travaux sur les troubadourset, secrétaire perpétuel de l'Académie Française, est l'un des exemples de cette activité intellectuelle des Avocats de l'époque. Pendant deux siècles la Basoche fut l'élément moteur de la cité, contribuant à son renom pas le prestige lié à la Sénéchaussée et à sa prospérité par son train de vie.

LA REVOLUTION ET L'EMPIRE

La tourmente révolutionnaire va perturber quelque peu l'ordre des choses. En effet le siége du chef lieu fut fixé à Toulon en septembre 1790 et le ressort démembré ; les anciennes vigueries devant des districts et, conséquence de la rebellions toulonnaise contre la Convention, le chef lieu fut transféré à Grasse en juillet 1793. C'est également à Grasse que fut transféré le Tribunal Criminel qui eut à connaître d'environ 200 dossiers et prononça 29 condamnations à mort. La guillotine fonctionna à Grasse....

Finalement Draguignan redevint chef-lieu et retrouva ses juridictions grâce à Bonaparte, à qui la ville n'a jamais cru devoir rendre hommage, qui lui restitua ses fonctions administratives et judiciaires après avoir entendu la « plaidoirie » du Comte Honoré MURAIRE, ancien avocat au barreau de Draguignan, ancien maire à plusieurs reprises, à qui l'on doit les premiers aménagements qui devaient devenir le Cours Clemenceau et les allées d'Azémar, et qui après avoir participé à la rédaction du Code Civil, fut élu par ses pairs pour devenir le premier Premier Président de la Cour de Cassation.

A cette époque, les juridictions siègent dans un ancien couvent, aujourd'hui occupé en partie par une école et par le centre archéologique départemental, rue Frédéric Mireur.

Il y a lieu de rappeler que Napoléon dont l'œuvre législative est immense, permis aux Ordres des Avocats, supprimés par la Révolution, de renaître en 1810.

1810 vit également la création du Tribunal de Commerce, héritier d'institutions beaucoup plus anciennes, qui siégeait dans l'ancienne halle au grains devenue sous la municipalité de Honoré MURAIRE, théâtre, et dont il ne partit que pour rejoindre la cite judiciaire en 1984.

L'AGE D'OR du XIX siècle

Napoléon ayant rendu Draguignan à sa vocation de ville administrative et judiciaire, ne fut pas désavoué par ses successeurs. Bien au contraire...

C'est ainsi que l'on construisit un Palais de Justice, inauguré par l'Evêque le 6 janvier 1825 et une prison qui fut conçue pour respecter les idées des grands criminologistes de l'époque et qui fut considérée comme un modèle de ce qu'il fallait faire pour amender les prisonniers...

La justice criminelle avait un côté spectacle et les notables et les élégantes d'alors demandaient au Président de la Cour, venu d'Aix-en-Provence, et logé dans un appartement de fonction à la Mairie pour présider les débats, de les autoriser à assister aux débats, depuis la tribune qui surmontait le prétoire.
L'art oratoire fleurissait, les réquisitoires et les a plaidoiries étaient attendues, et il y avait un public averti pour suivre les débats dont on trouve encore des échos quelquefois à l'occasion d'une lecture.

Nombreux sont ceux qui se souviennent de la majesté et de l'élégance des locaux d'apparats de la Cour d'Assises dont les lambris de chêne entendirent tout au long du XIXème et une bonne partie du XXème, les plaidoiries de nos confrères dans des débats dont on retrouve les échos dans les pages jaunies de la presse d'alors.

La Justice Criminelle avait une « fonction sociale » pour l'édification, et ceux qui ne savait pas en tirer profit risquaient alors de devenir les acteurs d'un spectacle de premier choix lorsque «Monsieur de Paris » venait officier sur l'échafaud dressé, à partir de 1875 et jusqu'en 1939, date de la dernière exécution publique, devant la porte de la Prison...

Mais si l'on se souvient de l'élégance du grand escalier de pierres, on se souvient aussi de l'exiguïté de certaines parties du Palais, non-accessibles au public, où un personnel peu nombreux faisait fonctionner les juridictions gardées par un concierge qui, tout en surveillant sa marmite mijotant dans sa loge, pouvait contrôler l 'accès à la salle des pas perdus ornée d'une belle allégorie de la Justice, pillée par les révolutionnaires sur le tombeau du Comte de Valbelle à Tourves...

Les événements de 1848, la répression des Républicains après l'insurrection de 1851 par des juridictions spéciales, l'épuration et la « reprise en main » de la magistrature à chaque changement de régime que la France a connu au cour de ce siècle entre la chute de l' Empire et la consolidation de la République après 1875, sont autant d' évènements qui ont mis en avant des Avocats qui, après avoir été, pour beaucoup d'entre eux les opposants à la Restauration, à la Monarchie de Juillet et à l'Empire, sont devenus l'un des groupes sociaux dominants de la « République des Jules » comme certains ont appelé la troisième République, en occupant de très nombreuses fonctions publiques.

Ces mêmes Avocats ont tout au long de ce siècle lutté pour obtenir l'indépendance et la liberté pour les Ordres de se choisir les Bâtonniers et les membres du Conseil de l'Ordre sans que la Magistrature ou le Pouvoir ne puisse interférer dans leur choix..

Cette période, qui est considérée par certains qui s'y référent souvent avec nostalgie comme un Age d' Or, va prendre brutalement fin en 1914.

LE XX ème SIECLE

La guerre de 1914-1918 marque, en effet, la fin d'une époque. Comme toute les villes de France, Draguignan perdit beaucoup de ses fils au combat. L'Ordre perdit deux de ses membres, tous deux officiers de réserve, sur les 8 avocats inscrits d'alors... Le Bâtonnier élu en 1913, fit le plus long bâtonnat de l'histoire de notre ordre jusqu'en 1919.

Avec les « Années folles », Draguignan panse les plaies de la grande Guerre et redevient une préfecture agréable où il fait bon vivre. L'évolution de la société voit l'inscription de la première femme inscrite à l'ordre à la fin des années 20, bien que les femmes aient pu devenir avocat depuis 1901.

La fonction judiciaire de Draguignan se voit considérablement renforcée par la suppression du Tribunal Civil de Première Instance de Brignoles a la fin des années 1920 à la suite de la réforme du Président POINCARE de 1926, qui voit son ressort rejoindre et augmenter celui de Draguignan.

La guerre de 1939-1945, l'occupation italienne après novembre 1942 et allemande en 1943, la libération et l'épuration, sont des évènements qui vont troubler le développement de la ville et auront, naturellement des répercutions sur la vie des juridictions dracénoises et de celles du ressort.

La guerre d'Algérie verra une forte activité de la Chambre Correctionnelle où de nombreux « sympathisants » du FLN furent traduits devant elle, alime

L'histoire récente de l'Ordre est marquée par quelques procès sur-médiatisés qui marquent l'intense activité des juridictions au quotidien.

La fusion des Avocats et des Avoués (1972), le transfert de la préfecture à Toulon (1974), la fusion avec les conseils juridiques (1992), la création du Tribunal pour Enfant (1997), le deux centième Avocat inscrit (2005), marquent les dates d'une histoire de notre Ordre qui se poursuit depuis 8 siècles...

tant les audiences et permettant au « jeune barreau » de l'époque, réduit à quelques avocats intervenant dans le cadre de la commission d'office (non rémunérée à l'époque) de fourbir leurs armes.

Maître Claude GIANNESINI
Ancien Bâtonnier de l'Ordre

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